Le texte de C. Watters a l’avantage de nous présenter de façon à la fois éclairante et ouverte à la réflexion, quelque chose qui se trouve justement à s’opacifier dans la clinique de notre temps : ce que nous appelons le symptôme.
Le titre dit plutôt symptômes au pluriel.
On peut dire « le symptôme » lorsque nous ou le sujet sommes en capacité de le localiser.
Or, c’est précisément cette localisation qui devient difficile voire impossible.
Dans le texte il est d’ailleurs plutôt fait mention d’une délocalisation du sujet, désabonné à L’Autre.
Mais on peut déjà avancer que cette délocalisation et cette opacification touche et le sujet et son symptôme – ce qui peut nous conduire à questionner la nature même du sujet contemporain.
La psychanalyse laisse entendre cette accointance du sujet et du symptôme – Si le sujet est divisé, le symptôme dit névrotique n’est pas à priori reçu comme compact, monolithique mais comporte par-delà sa présence à nous comme énigme, une contradiction – comme c’est le cas dans la figure paradigmatique des symptômes hystériques, où dégoût et désir cohabitent dans une sorte de duplicité qui se décharge et s’exprime à l’occasion dans le corps.
« Contradiction », en effet, car le symptôme est équivalent ici à un « à- dire », c’est, disons, sa vocation.
Il m’est venu en pensant aux symptômes d’aujourd’hui à une autre césure juste avant la lettre a : cela donne : « contr-addiction ».
Le symptôme diction contre les symptômes addictions (addiction vient de l’anglais "addiction" ; et en latin, l’addiction c’est proprement l’adjudication, c’est-à-dire en particulier la vente aux enchères du débiteur insolvable, qui entraîne une privation de liberté).
Le sujet contemporain nage en plein dedans.w
30 Sep2012
Colloque 2012 du Collège des Humanités
Publié par Robert Bitoun dans Conférences / Interview.
Le rejet de l’autorité vient, paradoxalement, du fait qu’elle nous manque.
Elle nous manque bien plus cruellement que nous pouvons le penser, assourdis que nous sommes sous les sirènes d’une crise qui ne dit pas son nom — on aura beau jeter l’opprobre sur les spéculations financières des états et des entreprises, nous n'en dénions pas moins que c’est une crise sociale avant tout.
« Insupportée et insupportable » avance l’argument du colloque.
Soit parce que nous n’en supportons plus l’instrumentalisation par le pouvoir derrière laquelle il déguise l’impuissance même de son acte, par sa double nature, d’être en même temps source originaire et dernier rempart de la loi , au seuil duquel son ombre s’érige sous la figure d’une menace dernière, ou plus banalement, comme barrage à notre jouissance.
Soit encore parce qu’elle est immédiatement identifiée à une figure révolue, rejetée pour certains, obsolète pour d’autres, tissée qu’elle était d’un passé dont nous n'attendons plus rien.
Passé immémorial dans lequel elle puisait, certes, sa force originaire par le recours aux traditions, à la religion, à Dieu et plus tard, aux idéaux révolutionnaires, mais force abandonnée aussi par ceux-là mêmes qui était censés en être les acteurs et les gardiens exemplaires, avec les barbaries que nous savons et dont la pointe reste cette industrialisation de la mort, industrialisation du manque —
nous dit le psychanalyste Gérard Wacjman[1], et qui, on ne peut plus en douter, a préfiguré nos sociétés et notre rapport au manque.
Recours ultime et désastreux que Lacan interprétera comme un sacrifice au dieu obscur : l’autorité est-elle morte à Auschwitz ?
N’est-ce pas le sacrifice qui exprime le mieux l’impayable dette qu’il faut payer de son corps lorsque nous n’avons d’autre issue que de nous rendre coupable d’un rime originel.
Si Lacan a pu avancer que le suicide apparaît sur son versant logique comme l’acte en-soi, il est, sur le versant social un ratage dernier, un acte manqué.
Poser la question de l’acte pourrait bien être un chemin par lequel nous pourrions tirer l’autorité de son obscurité, de son austère figure.
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